Gerrard Winstanley était le chef de file du mouvement des Diggers, les bêcheux ou piocheurs, qui, dans la période de la révolution anglaise (au milieu du XVIIe siècle) entrepennent d’occuper des terres, s’opposant ainsi au mouvement des enclosures. Les Diggers étaient un groupe issu du mouvement des Niveleurs (Levellers), l’aile la plus radicale et plébéienne du mouvement républicain de Cromwell.
L’appropriation par les Diggers, ou encore « Vrais Niveleurs », des communaux de la colline St George, près de Londres, peut être considérée, au cœur de la révolution anglaise, comme la proclamation d’un pouvoir constituant en acte. Théoricien de cette aventure, Gerrard Winstantley nous a laissé une œuvre singulière dans la constellation des « communismes bibliques ». Animée de vives tensions internes, travaillée par un archaïsme indissociable de sa modernité, elle est à la fois un aboutissement, une impasse absolue et, peut-être, un point de départ : elle peut aussi bien déboucher sur Spinoza que sur le « communisme réel ».
Le dimanche 1er Avril 1649, deux mois après l’exécution du roi Charles I, un petit groupe d’individus visiblement fort pauvres prend possession des friches de la colline Saint Georges dans le Surrey, près de Londres, et prétend en faire le point de départ d’une vaste opération de réappropriation collective des communaux d’Angleterre. L’expérience durera tout juste un an : ces « Diggers » (en français « Bêcheux » ou « Piocheurs ») disparaîtront définitivement de la scène en Avril 1650. De cette aventure, il nous reste, essentiellement, des textes : ceux de Gerrard Winstanley. Lorsqu’elle commence, il a déjà derrière lui quatre écrits théologiques et un ouvrage « théologico-politique », La Nouvelle Loi de Justice, publié en Janvier 1649, où il affirme avoir reçu dans une « extase » la révélation de la nécessité d’une culture collective des communaux. En un an il ne rédige pas moins de quinze traités, animé par une passion dévorante de l’écriture. Cette activité s’interrompt avec la défaite des Diggers – il ne publie qu’en 1652 son dernière ouvrage, La Loi de Liberté, dont la tonalité est nouvelle : prenant acte de son échec, il admet que l’avènement du communisme ne se fera pas spontanément et propose, sans illusion, à Cromwell un projet de constitution, dont la rigueur collectiviste peut sembler bien éloignée de ses préoccupations initiales. Il a alors quarante deux ans et affirme attendre désormais une mort apaisante. Celle-ci sera longue à venir : après avoir mené une vie socialement plus respectable, Winstanley devenu Quaker meurt selon toute probabilité en 1676.
Refus de la transcendance de Dieux, du clergé, et de la Bible :
« connaître les secrets de la nature, c’est connaître les œuvres de Dieu ; et connaître les œuvres de Dieu dans la création, c’est connaître Dieu lui-même, car Dieu habite en toute œuvre ou en tout corps visible »
l’« homme Jésus Christ » n’était qu’un homme, « un grand prophète », dont le retour ne peut être physique, mais correspond à la réalisation de ce qu’il incarne.
« Quiconque adore Dieu par ouïe-dire, en suivant la parole d’autrui, ne sait pas ce qu’est Dieu par sa lumière intérieure ; et s’il pense que Dieu est dans un Paradis au delà des cieux et prie ce Dieu qu’il imagine être là…sans en avoir un témoignage intérieur, cet homme adore sa propre imagination, c’est-à-dire le Diable »
Tandis que les religieux et les seigneurs voulaient enfermer la question du bonheur dans un en-dehors divin, elle est pour les Diggers une question qui se pose ici et maintenant, et implique donc une lame de fond révolutionnaire :
il faut reprendre de ce bien commun qu’est la terre, elle doit être « pour tous libre et commune, pour qu’ensemble on y travaille, qu’ensemble on s’en nourrisse », alors « l’esclavage sera aboli, toutes les larmes seront essuyés, tous les pauvres seront secourus et libérés de la misère et de la détresse ».
« Pourquoi ne-pourrions nous pas avoir notre ciel ici, c’est-à-dire un niveau de vie confortable sur Terre, et plus tard également ? Tandis que les hommes contemplent le ciel, imaginant un bonheur futur ou craignant un enfer après la mort, on leur ferme les yeux pour qu’ils ne puissent pas voir leur droit naturel et ce qu’ils peuvent faire pendant leur vie ».
La propriété associé à la chute :
« Quand les hommes commencèrent à acheter et à vendre, alors ils chutèrent et perdirent leur innocence »
Histoire de Caïn et Abel, Caïn qui tue Abel, c’est liche qui ne comprend la remise en cause de son droit de propriété qui tue pauvre, qui revendique l’accès à la Terre.
« L’Angleterre est une prison ; les innombrables subtilités des lois, protégées par le glaive, sont les verrous, barreaux et portes de la prison ; les hommes de loi sont les geôliers et les pauvres les prisonniers ».
La sécession des Diggers
« Vous les frères aînés, qui appelez vôtres les Enclosures et en excluez les autres, si vous voulez avoir des Magistrats et des lois extérieures à la manière des Nations, nous ne nous y opposons pas…; et si l’un d’entre nous, vos frères cadets, vole votre blé et votre bétail, ou abat vos haies, que vos lois s’en saisissent…Mais tant que nous demeurerons dans les limites de nos communaux… vos lois ne nous atteindront pas, à moins que vous ne vouliez opprimer les innocents et répandre leur sang ».