Quelques conseils quand on s’installe dans un logement sans droit ni titre… C’est-à-dire un logement vide dont on n’est ni propriétaire, ni locataire.
Ce que dit la loi
Lorsque quelqu’un habite un lieu de façon plus ou moins permanente, il devient sa résidence principale. A ce titre, l’habitant bénéficie du droit fondamental à « l’inviolabilité du domicile » : tout intrusion à l’intérieur du lieu par les forces de l’ordre ou par un huissier, sans ordre du tribunal, constitue donc un délit.
→ Comme la loi prévoit un droit fondamental au logement, il y a contradiction entre celui-ci et le droit fondamental à la propriété. Cette contradiction constitue un litige entre deux personnes – l’occupant et le propriétaire – et la loi exige qu’il soit tranché par le tribunal d’instance, le tribunal qui s’occupe des procédures de droit civil.
Lorsque la procédure relève du droit civil, le seule sanction qui peut être ordonnée est un dédommagement au propriétaire – aucune peine de prison ou de Travaux d’Intérêt Général, qui sont des peines prévues par le droit pénal.
MAIS, en cas de dégradation ou de flagrant délit d’effraction, il est possible que le procureur de la République (le représentant de l’État) porte plainte, et que cela ouvre une procédure de droit pénal, jugé par le tribunal correctionnel.
La procédure est la suivante : la police vient constater une occupation sans droit ni titre, sans entrer dans le domicile, et en informe le propriétaire, qui choisit ou non de lancer une procédure d’expulsion. S’il le fait, il envoie un huissier constater les faits d’occupation.
La plainte du propriétaire entraine un jugement au tribunal d’instance, durant lequel propriétaire et occupant font valoir un argumentaire de défense. La loi prévoit un délais d’expulsion de deux mois au minimum, mais il est possible d’obtenir un délais plus long suivant la défense.
Aucune expulsion ne peut avoir lieu pendant la trêve hivernale, c’est-à-dire du 1er novembre au 15 mars.
Mais le délais de deux mois, comme la trêve hivernale, ne sont pas appliqués en cas de voie de fait, et d’arrêté de péril.
La voie de fait : le fait de causer volontairement du dommage à un objet mobilier ou un bien immobilier appartenant à autrui.
Dans le cas du squat, c’est donc le fait d’entrer par la force dans un lieu privé. Cet usage de la force se traduit par une dégradation des systèmes de clôture (portes, fenêtres, cadenas), qui « cause volontairement du dommage à un objet mobilier ou un bien immobilier appartenant à autrui ». Mais il n’est pas toujours facile de démontrer que les occupants actuels d’un lieu sont les auteurs de la dégradation.
Un huissier doit venir informer l’occupant de la décision du tribunal. Et venir le jour où la décision prend acte pour constater son départ. En cas de refus, il peut demander l’exercice de la force publique – qui peut prendre plus ou moins de temps.
Une expulsion ne peut pas se dérouler entre 21h et 6h, ni le dimanche et les jours fériés. Sauf en cas de mesure exceptionnelle du juge.
Que faire ?
– Empêcher la voie de fait et le flagrant délit d’effraction
Le « flagrant délit d’effraction » et la « voie de fait » sont deux manières différentes de qualifier une effraction. Dans le premier cas, la police constate une installation illégale pendant ses premières 48h, ce qui lui permet d’user du droit pénal pour procéder à une expulsion immédiate.
Dans le second cas, le propriétaire fait valoir les preuves d’effraction (vitres brisées, etc) comme preuve d’un dommage qui lui ait fait, pour appliquer le droit civil qui prévoit de faire sauter les délais.
Les témoignages des voisins, les vitres ou les portes fracturées peuvent donc servir à prouver une effraction afin de justifier une expulsion immédiate, ou de faire sauter les délais obligatoires.
Mais dans de nombreux cas, il est très difficile de prouver l’effraction, comme par exemple si l’installation s’est faite discrètement, ou si les éléments endommagés ont été réparés.
Le flagrant délit d’effraction est également difficile à justifier pour les flics lorsque les occupants ont des preuves que leur installation dure depuis plus de 48h, comme par exemple des témoignages des voisins sympathiques, des tickets de livraisons à domicile, des contrats d’ouverture d’eau, d’électricité, d’internet, etc. Le genre de preuve que la police essaie de faire disparaître en les récupérant, ce qu’on évite en faisant des doubles, laissés en sécurité.
– Mettre des noms pour lancer la procédure
Sans noms, une procédure anonyme est lancée, et le procès se déroulera sans même que l’occupant ne soit prévenu, et donc sans aucune défense pour lui. Pour éviter ça, il suffit de mettre des noms sur la boîte aux lettres, qu’ils soient vrais ou faux. Il est effectivement possible de se défendre sous un faux nom, sans avoir à justifier de son identité. Mais pour pouvoir toucher l’aide juridictionnelle – une aide pour payer l’avocat – il faut des vrais noms.
Lorsque la police arrive sur les lieux :
Le lieu étant le domicile principale de quelqu’un, la police n’a pas le droit d’y pénétrer, sinon c’est un délit de violation de domicile. Les faire entrer dans le lieu leur donne la possibilité concrète d’expulser (même illégalement), ou au minimum de prendre des informations qui pourront jouer en la défaveur de l’occupant. Il est souvent possible de leur parler par une fenêtre, ou à travers la porte. Souvent, la discussion avec eux est plus facile si elle se concentre uniquement sur la loi, en leur répétant qu’ils n’ont pas le droit d’entrer, et qu’il faut qu’ils engagent une procédure avant toute expulsion, texte de lois et preuves à l’appui.
Il arrive que la police considère que les preuves des 48h ne sont pas valables, et qu’il y a flagrant délit d’effraction. Dans ce cas, elle peut décider de procéder directement à l’expulsion malgré les preuves. C’est d’autant plus fréquent que l’expulsion leur semble facile à effectuer.
Lorsque les occupants ont barricadé le lieu, ou quand ils sont montés sur le toit (ce qui demande l’intervention d’un corps de police spéciale), il arrive que la police renonce à expulser, même si elle considère qu’il y a flagrant délit d’effraction.
Annexes, textes de lois
L’exclusion de l’expulsion pendant la trêve hivernale
L’article L613-3 du Code de la construction et de l’habitation donne un sursis de plein droit aux décisions d’expulsion passées en force de chose jugée, pour l’exécution des mesures d’expulsion pendant la trêve hivernale. Ainsi, aucune mesure d’expulsion ne peut être exécutée du 1er novembre au 15 mars de l’année suivante. Toutefois, le bénéfice de la trêve hivernale est exclu :
pour les occupants dont le relogement est assuré « dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille » ;
pour les occupants sans titre qui sont entrés dans les locaux par voie de fait ;
pour les occupants d’un immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril ;
pour le conjoint violent dont l’expulsion a été ordonnée par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 220-1 du Code civil4 ;
pour les occupants de locaux spécialement destinés aux logements d’étudiants (CROUS), lorsque ces occupants ne répondent plus aux conditions d’octroi de ces logements.
La voie de fait peut renvoyer à différentes notions selon la branche du droit étudiée.
En droit pénal, la voie de fait est une violence quelconque envers une personne ne constituant ni une blessure ni un coup (physiquement). Ceci peut comporter, selon le pays, toute tentative échouée de meurtre ou d’agression ainsi que toute insulte et toute menace ouvertement adressée aux autorités judiciaires (ex. la police). Un acte de désobéissance aux demandes du représentant de la loi peut aussi être considéré comme étant une voie de fait.
En procédure civile en France, on entend par voie de fait tout comportement portant ouvertement atteinte à des droits personnels ou méconnaissant à l’évidence une disposition législative ou réglementaire et justifiant, de ce fait, le recours à la procédure de référé en vue de faire cesser ce trouble manifestement illicite.
En droit administratif en France, la voie de fait est une illégalité manifeste de l’administration commise dans l’accomplissement d’une opération matérielle d’exécution. L’administration porte alors atteinte, de façon grave, au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit en prenant une décision insusceptible de se rattacher à ses attributions, soit en procédant à l’exécution forcée injustifiée d’une décision, même légale.
Selon l’article 28 de la loi du 9 juillet 1991, aucune mesure d’expulsion ne peut intervenir avant six heures du matin et après vingt et une heure. Par ailleurs, aucune mesure d’expulsion ne peut être exécutée un dimanche ou un jour férié, sauf cas de nécessité et sur autorisation spéciale du juge.
Le bailleur n’exécute pas lui même le jugement mais fait appel à un huissier de justice, qui se chargera d’appliquer la décision du tribunal, en respectant les formes et délais légaux. L’huissier ne fait pas usage de la force lui-même, il demande au Préfet que celui-ci lui fournisse l’assistance de la police.
Un bailleur peut-être tenté de verser dans l’illégalité en expulsant lui-même l’occupant, par exemple dans le cas où après qu’un jugement en bonne et due forme fut rendu par le tribunal et que les délais légaux furent respectés, le Préfet refuserait toujours que la police accompagne l’huissier pour procéder à l’expulsion. Le bailleur s’exposerait à une plainte que l’occupant des lieux pourrait déposer, pour violation de domicile et aux peines prévues par l’article 226-4 du code pénal.
Liens, contacts
Le squat de A à Z, d’où on a tiré pas mal d’infos ! Avec le bonus, dont un lexique juridique intéressant.
Et puis ce document,IPJ-étude-sur-le-squat , tiré des coulisses des propriétaires mécontents, et qui nous permet d’étudier leur nouvelle stratégie, et de voir quelles sont pour eux les failles de la loi. Dans lesquelles s’engouffrer lorsqu’on occupe sans droits ni titres !
Vous pouvez toujours contacter la caisse de solidarité contre la répression, de Dijon, en cas de souci (pour réfléchir et trouver de la thune collectivement).
Soit à caisse-de-solidarite@brassicanigra.org
Soit au 07 50 18 13 21 (faut laisser un message ou un sms et ils rappellent)