Ce mail, reçu après les attentats et les sursauts républicains…
Putain d’époque, que trois tarés munis de kalachnikov aient fait sauter la cervelle à 14 journalistes ça la fout mal, ça nous fout mal, ça me fout mal, indéniablement. Mais de voir la France, cette putain de France avec un grand F s’endeuiller en masse, sagement, ça me désespère. Depuis mercredi on a l’impression d’avoir ouvert un nouveau chapitre de l’histoire, chapitre que l’on pourrait nommer : « je suis Charlie » ou ferme ta gueule, ou mieux encore ferme ta gueule pour la liberté d’expression. Le slogan est tellement en vogue que 120 marques piétinent en attendant de savoir laquelle pourra produire de magnifiques T-shirts, « Je suis Charlie ».
Bref, laissons la nation en deuil avec les magnifiques histoires de fesses que Charlie ne se lassent pas de nous dessiner et retrouvons un peu d’humour pour ne pas manquer les perles du moment. Si Charlie faisait rire, moi je n’aurai pas cette prétention. Surtout que vous avez peut-être comme moi, les zygomatiques un peu crispés après avoir vu des millions d’images, de millions de personnes avec des millions de pancartes « je suis flics, je suis Charlie ». A croire que les recrues de la Nat’ vont faire un bon en 2015. En même temps, si les politiques appellent à la constitution d’un pacte National contre le terrorisme, il va en falloir de la flicaille. Heureusement que Taubira est là pour freiner un peu les ardeurs sécuritaires de ses con-disciples. Elle semble endosser à merveille le rôle de la fervente défenseuse de l’État de Droit et de la démocratie dans la tragédie héroïque magnifiquement jouée par les hommes d’État cette semaine. Petit écart dans les règles dramaturgiques classiques, les spectateurs peuvent décider du bon déroulement de l’histoire. En effet, le site du figaro propose aux internautes de répondre par oui ou par non à la question : « Faites vous confiance à Christine Taubira pour apporter la bonne réponse pénale au terrorisme ».
Parlons en d’ailleurs de cette réponse pénale, parce qu’en la matière ce n’est pas les propositions politiques qui manquent. Entre les centres de dé-radicalisation qui font un buzz à droite comme à gauche et et la proposition d’Eric Ciotti, spécialiste des questions de sécurité à l’UMP, de supprimer les allocations familiales aux parents qui auraient perturbés ou qui n’auraient pas participé aux minutes de silence pendant les rassemblements, il y a de quoi sourire. On ne reviendra même pas sur l’idée purement fasciste de créer un Guantanamo à la française. Pendant qu’on y est, ce Guantanamo pourrait s’inspirer des méthodes disciplinaires des prisons de l’État Islamique. Et ces méthodes seraient prématurément observées lors d’interventions éclaires à coup de drones au Mali ou en Irak. On pourrait croire que les propositions s’arrêtent là, que c’est déjà assez gros comme ça non ? mais non… Car il faut faire face au terrorisme mais aussi prévenir le terrorisme, c’est la fameuse méthode Curatif/préventif, préventif/caratif.
Et en matière de prévention rien de mieux que la jeunesse en devenir, l’histoire l’a montré et aujourd’hui Bernard Debré revendique le retour de l’uniforme obligatoire ainsi que l’obligation d’afficher la Marseillaise sur les murs de la classe. Valérie Précrèse, elle, n’en peut plus avec ses cours de morale républicaine. Pauvres gosses, il va y avoir du chewing-gum à décoller sous les bureaux.
La jeunesse réactionnaire, elle aussi, est loin d’être épargnée. Depuis quelques jours, les convocations gratuites au bureau des services de renseignement de la police vont bon train, sûrement histoire de vous faire sagement comprendre que vous avez plutôt intérêt à vous tenir à carreau. On embauche même des spécialistes de la distinction entre croyance et savoir pour démentir les théories complotistes qui foisonnent sur internet. Théories qui tiendrait l’État français, les Etats Unis ou même parfois le Mossad pour responsables des attentats. A cela, Gérard BRONNER, le fameux spécialiste, répond sereinement, qu’il faut lutter contre la crédulité des jeunes de banlieue.
Peut-être vaut-il mieux en rester là. Faute de quoi nous pourrions bientôt être taxés de prises de parti terroristes.
Mais que cela soit dit, ils nous auront pas ces bâtards, même dans cette putain d’époque !