Laurent Theron, un manifestant de 46 ans, a été grièvement blessé au visage jeudi à l’issue de la manifestation parisienne contre la loi travail. Secrétaire médical de l’AP-HP (Assistance publique des hôpitaux de Paris), il a perdu la vision à un œil. Son syndicat, SUD-Solidaires, qui a recueilli plusieurs témoignages de personnes présentes au moment des faits, affirme qu’il a «vraisemblablement reçu au visage un morceau d’une grenade lancée par les forces de l’ordre». La victime a porté plainte samedi auprès de la police des polices. L’Inspection générale de la police nationale est saisie. Encore hospitalisé, Laurent Theron témoigne.

Pourquoi étiez-vous sur la place de la République ?

Je participais au défilé contre la loi travail dans le cortège de mon syndicat, Solidaires. Lorsque le cortège est arrivé à République, je suis resté un peu sur la place. Il était environ 16h30. Je me promenais en observateur, tout seul, pour voir ce qui se passait. Ça commençait à chauffer entre les manifestants et la police. Il y a eu des jets de grenades lacrymogènes et plusieurs jeunes cagoulés qui les renvoyaient. Puis une première charge. La situation était de plus en plus tendue, j’ai donc décidé de quitter la place avant d’être encerclé par la police ou en danger.

Est-ce que vous vous souvenez du moment où vous avez été touché à l’œil ?

J’étais là depuis vingt minutes et je me dirigeais vers une des rues adjacentes pour partir. Au niveau de la partie Est de la place, j’ai vu un mouvement des forces de l’ordre. J’ai entendu une forte détonation et au même moment mon œil m’a fait extrêmement mal. Je me suis retrouvé par terre à quatre pattes, je sentais beaucoup de sang qui coulait et, immédiatement, que mon visage était déformé. J’ai demandé l’assitance d’un médecin car je sentais que c’était une blessure grave. J’ai attendu une heure pour que les pompiers arrivent. Pendant ce temps, je continuais à perdre beaucoup de sang. Je voulais me rendre à l’hôpital à pied mais les policiers m’ont demandé d’attendre en me disant que les secours allaient bientôt arriver.

Quel est votre état actuellement ?

J’ai été pris en charge à l’hôpital Cochin par un chirurgien spécialiste de l’œil. J’ai plusieurs fractures des os qui entourent le globe occulaire. J’ai été opéré dans la nuit. Mon œil a pu être sauvé, mais la vision est perdue. Je vais sûrement devoir subir une nouvelle opération dans les jours qui viennent et être hospitalisé pendant cinq jours. Je vais faire un peu d’humour: j’ai eu très peur de me retrouver avec un œil de verre comme Jean-Marie Le Pen… Je veux témoigner pour que l’on sache que monsieur-tout-le-monde peut perdre son œil en manifestant à Paris. J’ai également l’intention de porter plainte.